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Magdolna Hollander
naît le 15 juin 1928 en Hongrie. Juives, en mars 1944,
sa mère et sa jeune soeur sont déportées
avec elle à Auschwitz. Toutes deux sont immédiatement
gazées, et elle ne doit sa survie qu'à un mensonge
sur son âge, affirmant qu'elle a dix-huit ans, suivant
un conseil reçu peu avant. Durant l'hiver 1944-1945, elle
est évacuée à pied vers un autre camp. Lors
d'un transfert en avril 1945, elle s'évade avec quatre
autres détenues. Les fugitives se cachent dans un bois,
puis sont confiées par des soldats américains à
des fermiers. Durant son internement, elle survit notamment grâce
à une femme mourante qui lui donne quatre bouts de pain
moisis, et à un gardien qui lui donne des chaussures pour
qu'elle ne retarde pas la colonne de travailleuses. Par la suite,
Magda devient éducatrice de jeunes enfants, psychologue
pour enfants et apprend le français en Belgique. En 1954,
elle emménage en France et s'y marie. Elle passe ensuite
quarante-quatre ans à s'occuper d'enfants dans un orphelinat.
Cest en apprenant la langue française, quelle
a un jour la révélation. Ce Verbe dont lui parle
tant la religieuse qui la prise sous son aile, et auquel
elle ne comprend rien, prend un jour toute sa force et tout son
dynamisme lorsquelle saisit dun seul coup que, sans
lui, la phrase ne va nulle part. Quelle reste là,
inerte, sans mouvement, sans vie. Le Verbe, cétait
donc cela. Ce qui donne vie ! Ce qui donne sens ! ce qui met
en mouvement ! Ce qui est le cur battant de lêtre
À partir de ce jour, Magda sengage dans une véritable
conversion christique mais sans jamais renier pour autant la
religion de ses pères. Juive, elle restera. Mais avec
cette Parole inouïe qui soudain a germé en elle.
Jamais elle ne voit dopposition entre le judaïsme
de son enfance et le christianisme de sa vie de jeune adulte.
Tous deux sont constitutifs de son identité même.
Le Dieu qui laccompagnera désormais jusquaux
rivages de sa vie est un Dieu quil faut aider en soi, comme
en tout homme, à ne pas mourir, ainsi quEtty Hillesum,
sa petite sur, poète et prophète comme elle,
en avait eu lintuition fulgurante. Sa vie devient chant
fraternel, hymne de confiance en la beauté de lhomme.
Et témoignage. Cest là pour elle le combat
essentiel : témoigner à temps et à contretemps
pour une humanité réconciliée, pacifiée.
Magda Hollander-Lafon fait partie de ces femmes qui, du fond
de la détresse, laisseront grandir en elles une parole
damour capable de faire fondre toutes les banquises de
violence et de haine. |
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