"Dans le monde spirituel
il n'y a rien de mieux que les regrets pour que les péchés
soient pardonnés. Les regrets ont tellement de valeur
auprès de Dieu que rien ne peut les remplacer."
"La vie n'est pas courte,
mais le temps est compté." |
Malek Jan est issue
d'une famille de mystiques. Son père est une personnalité
spirituelle marquante qui, quelques années avant sa naissance
a abandonné une vie confortable pour se consacrer à
la recherche du Vrai. Dès son plus jeune âge, Malek
Jan est donc initiée, comme toute sa famille, à
l'ascèse, à la prière mais aussi et surtout,
à la réflexion éthique et spirituelle. Fait
remarquable à cette époque et dans ces régions
reculées du Kurdistan, elle reçoit, au même
titre que son frère aîné une éducation
complète. Elle apprend ainsi le persan et l'arabe (sa
langue maternelle étant le kurde) et entreprend l'étude
des grands livres révélés et de la très
riche poésie iranienne dont elle s'inspirera plus tard
pour la rédaction de ses propres poèmes. Elle reçoit
également une éducation musicale. Son père,
qui lui vouait une affection particulière avait souhaité
qu'elle porte une robe et un bonnet blancs, « de sorte
que les gens ne savaient pas si c'était une fille ou un
garçon ». De fait, Malek Jan garda toute sa vie
cet habit. A quatorze ans, Malek Jan eut la douleur de perdre
son père. Peu après, elle fut atteinte d'un affection
oculaire très douloureuse qui, vers l'âge de vingt
ans, la laissa complètement aveugle. Sa cécité
semble toutefois avoir coïncidé avec un éveil
mystique qui la conduisit à se rapprocher progressivement
de son frère Ostad Elahi dont elle devint la disciple.
Après le décès de celui-ci, c'est elle qui
tout naturellement reprit le flambeau de son enseignement spirituel.
Progressivement, la personnalité de Malek Jan, la richesse
de sa réflexion spirituelle, la pratique assidue de la
charité lui valurent dans le milieu profondément
religieux qui était le sien, une réputation de
sainteté. Malgré son handicap, Malek Jan continua
toute sa vie à étudier grâce à des
cours enregistrés sur cassettes. Cette passion de la connaissance
relevait chez elle tout autant d'une démarche spirituelle
qu'intellectuelle. S'opposant à ce qu'elle appelait «
l'esprit superstitieux », elle cherchait à aborder
la spiritualité comme un objet de réflexion et
de connaissance, refusant l'acceptation aveugle de principes
considérés comme des dogmes : « Au début,
je me disais : Il faut que je comprenne par moi-même. Je
ne voulais pas croire à ce que disaient les autres. Par
exemple, il fallait que je comprenne par moi-même qu'il
existe un au-delà, qu'il existe un Dieu, qu'il y a des
lois spirituelles, que l'âme est éternelle...J'ai
d'abord résolu la question de l'existence de Dieu, ensuite,
j'ai compris qu'il y a un Compte et qu'aucun être ne sera
lésé... ». Malek Jan a cherché
à développer progressivement cette façon
d'aborder la spiritualité parmi les paysans de Jeyhounabad
(surnommé depuis dans le pays « le village des philosophes
»). Dans le même esprit, elle a contribué
à améliorer les conditions de vie des villageois
en faisant venir l'électricité ou en inventant
un système de micro-crédit à taux zéro.
Au sein d'une société profondément patriarcale,
elle a usé de son autorité spirituelle pour défendre
plus spécifiquement le droit des femmes, en apprenant
progressivement aux mères à soigner leurs filles
autant que leurs fils, en amenant les pères à leur
laisser une part d'héritage égale à celle
de leur frère. Vers la fin de sa vie, Malek Jan apporta
dans le culte Ahl-e Haqq un certain nombre de réformes
qui contribuèrent à donner aux femmes une dignité
égale aux hommes sur le plan rituel. Ces réformes
qui firent l'effet d'une révolution doctrinale dans les
milieux ahl-e Haqq lui valurent l'inimitié des branches
les plus traditionnalistes de l'ordre. Malek Jan Nemati est décédée
en France à la suite d'une opération à cur
ouvert. Elle est enterrée dans la village de Baillou (Loir-et-Cher).
Sur sa tombe a été élevé un bâtiment
de pierre et de verre appelé le mémorial de Sainte
Janie. |