" Je m'en vais pour
incendier le Paradis et noyer l'Enfer, en sorte que ces deux
voiles disparaissent complètement devant les yeux des
pélérins et que le but leur soit connu, et que
les serviteurs de Dieu Le puissent voir " |
Râbia
Al Adawiya est une figure majeure du mysticisme musulman. Celle
qui fut le chantre de lamour pur est une ancienne esclave
affranchie. Courtisane accomplie, certains disent même
prostituée, danseuse et joueuse de ney, elle a tout abandonné
pour se consacrer à lamour de Dieu. Cette femme
née en Irak vers 713, cest-à-dire moins dun
siècle après la mort du Prophète, passa
le reste de sa vie à Bassorah où elle vécut
retirée du monde et mourut en 801 âgée dau
moins quatre-vingts ans. Rabia est peut-être la première
grande voix du soufisme. Ces ascètes des premières
heures de l'Islam étaient à cette époque
en marge de la société et apparaissent tels des
avertisseurs pour le peuple, démontrant par leur existence
même la vanité de certains musulmans denfermer
lesprit dans la lettre. Elle a laissé de courts
poèmes qui exaltent lamour de Dieu. En sappuyant
sur le texte du Coran, elle ne craignit pas de désigner
lamour divin par le terme « hubb » (désignant
lamour profane), et de proclamer quun amour totalement
gratuit est celui-là seul dont Dieu est digne. Cest
à la suite de Râbia que les soufis feront
la distinction entre ceux qui aiment Dieu pour ses bienfaits
et ceux qui aiment Dieu pour lui-même, rejetant toutes
ses faveurs qui ne sont pour eux quun voile qui leur masque
leur Bien-aimé. Bien avant Hallâj, né cinquante
ans après sa mort, Râbia na pas hésité
à bousculer les principes et les habitudes de la piété
de son époque.
« Je Taime
de deux amours : lun, tout entier daimer, Lautre,
pour ce que Tu es digne dêtre aimé. Le premier,
cest le souci de me souvenir de Toi, De me dépouiller
de tout ce qui est autre que Toi. Le second, cest lenlèvement
de tes voiles Afin que je Te voie. De lun ni de lautre,
je ne veux être louée, Mais pour lun et pour
lautre, louange à Toi ! " |