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Juriste et anthropologue,
infatigable voyageur, son parcours la conduit de la Belgique
à lInde en passant par lÉthiopie,
le Rwanda, le Brésil, lAlgérie et les États-Unis
et il a milité au sein de nombreuses ONG de développement.
Il a témoigné de ses combats dans un livre et dans
de nombreuses publications internationales. Lengagement
pour les peuples les plus faibles a été pour lui
un « appel » irrésistible. Plus tard, prêtre
orthodoxe dune petite communauté près de
Bruxelles, il a su devenir un voyageur de lintérieur,
un compagnon et guide spirituel pour ses contemporains occidentaux.
Lété 2010, il commence à ressentir
une fatigue anormale et une gêne à la marche. Six
mois plus tard, en mars 2011, il apprend le pire : il est atteint
dune sclérose latérale amyotrophique (SLA),
aussi appelée maladie de Charcot. Cette maladie, «
au nom si poétique », comme il sen amuse,
résulte dun fonctionnement fantaisiste de certains
neurones moteurs dans le cerveau et la moelle épinière.
Elle entraîne la paralysie progressive des membres puis
de lensemble du corps (y compris des muscles respiratoires).
La dégradation est inexorable et elle réduit drastiquement
lespérance de vie : la moyenne est de trois ans
à compter du déclenchement, même si certaines
rémissions prolongées sont parfois possibles. Pendant
deux ans, la maladie poursuit son uvre en Thierry, son
grand uvre de vie, de mort et de résurrection. Elle
natteint pas seulement son corps, mais touche toutes les
dimensions de son être. Extérieurement, la dégringolade
biologique va vite, très vite. Un fauteuil roulant mécanique,
devient indispensable. Il prend celui de Rosette, sa belle-mère.
Il le surnomme merkabah, du nom du char du prophète Élie
dans le livre dÉzéchiel. Tout au long de
la maladie, il nomme les choses pour les regarder dans les yeux,
bien en face, avec une philosophie profonde et bohème.
Mettre de lhumour dans le quotidien est pour lui une façon
darriver à rire de tout, ou presque. Le rire cache
les peurs, il les tire aussi vers le haut. Intérieurement,
pourtant, il est en train de « guérir ». La
souffrance devient lieu de passage. « Japprends à
vivre avec le mal en basse continue, comme dans la musique baroque
» La fragilité qui lui est tombée dessus
lamène à devenir ce quil narrivait
pas à être dans la force. Visité par la maladie,
il entre dans la mystique du Serviteur Souffrant. À la
suite du Christ, il sefforce de dire : « Ma vie,
je la donne, on ne me la prend pas. » Les murs de sa maison
deviennent une clôture monastique
En quelques mois
vertigineux, son corps cesse progressivement de répondre.
Immobilité progressive et forage au cur : tout se
passe désormais à lintérieur. La fe
solo basta (« la foi seule suffit ») : il en fait
une attitude de vie, une vibration. Chaque jour il apprend à
devenir dépendant, à recevoir, à voir ce
que la vie lui donne et non ce quelle lui ôte. Ses
mois sont comptés et la joie, loin de reculer, savance
et sapprofondit. Une joie inconditionnée quil
navait jamais soupçonnée. Après une
vie qui se voulait penchée sur les plus démunis,
Thierry, consentant, prend son tour dans la cordée. En
face de son lit, il a posé une enluminure « programmatique
» : « À tout je dis OUI ». Tout est
dit, la direction de sa fin de vie est donnée. Le jour
de son enterrement, le 29 avril 2013, a été celui
dune fête, dune promesse. Comme le dit une
chanson de Félix Leclerc, un poète canadien quil
aime tant : « Cest grand la mort, cest plein
de vie dedans ». http://memoire-thierry-verhelst.over-blog.com |
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