« Jésus, jai
compris que vous ne vouliez pas que je distingue mes péchés
des autres péchés du monde, mais que jentre
plus profondément dans votre cur et que je me considère
comme responsable des péchés de ceux que vous voudrez
: dAlain, de tout homme qui vous plaira. Vous me faites
sentir, Jésus, quil faut descendre plus bas encore,
prendre sur moi les péchés des autres, accepter
par suite tous les châtiments quils mattireront
de votre justice et en particulier le mépris de ceux pour
lesquels je moffrirai. Accepter, désirer même,
dêtre déshonoré, même aux yeux
de ceux que jaime. Accepter les grandes abjections, dont
je ne suis pas digne, pour être prêt du moins à
accepter les petites. Alors, Jésus, ma charité
ressemblera un peu à celle dont vous mavez aimé
». |
Jean Daniélou
est l'un des plus grands théologiens du XXe siècle.
Fils de Charles Daniélou, homme politique, plusieurs fois
ministre, plutôt anticlérical, et de Madeleine Clamorgan,
fondatrice de la communauté apostolique Saint-François-Xavier,
des institutions Sainte-Marie et d'une Université libre
de jeunes filles. Il a pour frère cadet l'indianiste Alain
Daniélou (1907-1994). Entré chez les Jésuites
en 1929, il se consacre à l'enseignement, en poursuivant
des études de théologie à la Faculté
catholique de Lyon, alors l'une des plus réputées
au monde. Il est ordonné prêtre en même temps
que l'abbé Pierre en 1938. Personnage hors normes, il
fut un ardent partisan du dialogue interreligieux, et lauteur
de nombreux ouvrages (Pourquoi lEglise, Carnets spirituels
).
Lesprit de son uvre pourrait se résumer à
cette audace : remplacer la scolastique par la patristique. Daniélou
a été, avec son confrère jésuite
Henri de Lubac, le génial initiateur, en 1942, de cette
collection de textes patristiques appelée "Sources
Chrétiennes" qui a marqué la renaissance de
la théologie dans la seconde moitié du XXe siècle
et qui a préparé ce quil y a de meilleur
dans le concile Vatican II. En 1969, il est nommé «
évêque titulaire » de Taormina, puis créé
cardinal par le pape Paul VI. En 1972, il est élu à
l'Académie française. Mais sa parole libre lui
avait valu d'être mis à l'écart de la Compagnie,
et sa mort singulière l'a fait mettre encore d'avantage
de côté, et injustement oublier. Sa mort subite
suscita en effet beaucoup de commentaires, puisqu'il mourut d'un
infarctus chez une prostituée parisienne. Celle-ci le
vit tomber à genoux, le visage contre terre, et expirer.
Et, daprès elle, "cétait une belle
mort, pour un cardinal". Il était venu lui apporter
de largent pour quelle puisse payer un avocat capable
de faire sortir son mari de prison. Ce fut la dernière
de ces actions charitables quil accomplissait en secret,
pour des gens méprisés et qui avaient besoin d'aide
et de pardon. Mais elle lui a valu aussi beaucoup de médisance.
« Vivre de la foi,
dont ce que je sais de plus clair est quelle est incompréhensible.
Être dhumeur franciscaine, mortifiée et joyeuse,
espiègle et mystique, totalement pauvre. Voir la manière
humoristique dont le curé dArs se traitait pour
échapper à toute vanité. Prendre par le
comique tout le côté vanité de ma vie ». |