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"Pour moi,
cest un fait indéniable : il est impossible daccepter
Auschwitz avec Dieu, ni sans Dieu. Mais alors, son silence, comment
le comprendre ?" Rescapé des camps dans lesquels
il a vu mourir son père, sa mère, sa sur,
le jeune juif de Sighet, en Roumanie, na jamais vraiment
quitté cet enfer. Né en Roumanie actuelle, le jeune
Eliezer est obsédé par la connaissance de Dieu.
À son père épicier, il confie son désir
des études rabbiniques. Mais il y aura la guerre, et la
folie nazie, et les camps. Il en réchappe, et devient
étudiant à la Sorbonne, puis journaliste. François
Mauriac lui parle de lHolocauste : « Que de fois
jai pensé à ces enfants ! » Elie Wiesel
réplique alors : « Je suis lun deux
», dès lors encouragé par lacadémicien
catholique à témoigner. En 1958, le rescapé
publie La nuit, un des titres les plus poignants de la
littérature pour décrire lunivers concentrationnaire.
En quelques dizaines de pages, celui qui devient un écrivain
universel raconte les camps de concentration. Sa communauté
déportée en 1944 navait rien vu venir. En
descendant du wagon à bestiaux, la réalité
saute au visage : « Devant nous les flammes. Dans lair,
cette odeur de chair brûlée. Il devait être
minuit. Nous étions arrivés. À Birkenau.
» Ladolescent se souvient de ces jours deffroi.
Sous ses yeux, son père est frappé à mort
par un SS : "Jai laissé mon vieux père
seul agoniser. Sa voix ne parvenait de si loin, de si près.
Mais je nai pas bougé. Je ne me le pardonnerai jamais."
Le jeune journaliste devient alors écrivain, auteur dune
cinquantaine douvrages, romans, essais. Une uvre
foisonnante, tournant sans fin autour de lénigme
du mal, du silence de Dieu, du sens de la vie. Pétri de
la tradition hassidique qui cherche et interroge le monde à
travers les histoires, il sengage et combat les totalitarismes
en URSS, au Cambodge, en Bosnie et partout ailleurs, signant
notamment un appel lancé par Pèlerin pour la paix
aux Darfour (mars 2007). « Jai juré de ne
jamais me taire quand des êtres humains endurent la souffrance
et lhumiliation, où que ce soit », déclare-t-il
en recevant le Prix Nobel de la Paix à Oslo (Norvège),
le 10 décembre 1986. Le mince filet de sa voix invitait
à la méditation. Le regard profond sous les sourcils
broussailleux portait à la confidence. Plus que des certitudes,
lhomme ne cessait de sinterroger : « Quai-je
fait, et manqué de faire, durant ce long parcours composé
de rêves et de défis ? » Il a sauvé
les morts dAuschwitz de loubli et préservé
la mémoire du monde. Ses livres parleront encore après
lui. (C. Henning, le Pelerin) |
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