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Orpheline à
l'âge de dix ans, Stanislawa Rodzinska fut recueillie avec
sa petite sur au couvent des religieuses du Tiers-Ordre
dominicain de Wielowski, ou elle entra à l'âge de
dix sept ans sous le nom de Julia (Marie-Julie). La Pologne renaissait
de ses cendres, et les surs fondaient ou renforçaient
les communautés dominicaines du pays réunifié.
Elles y fondèrent aussi des orphelinats. Julia prononça
ses vux définitifs en 1924 et fut surnommée
la mère des orphelins ; elle organisait des écoles
et des colonies de vacances pour les enfants défavorisés.
En 1934, elle devint supérieure de lorphelinat de
Wilno. En septembre 1939, lorsque la Pologne fut envahie, Wilno
(désormais Vilnius) passa aux Soviétiques. Julia
dut fermer l'école et continua en secret à donner
des cours de religion, et de polonais, langue désormais
interdite. Lorsque les Allemands prirent la région, elle
continua ses activités clandestines. En juillet 1943,
sur Julia fut arrêtée par la Gestapo et détenue
à la prison de Lukiszki à Wilno. Elle y fut gardée
une année en strict isolement, dans un petit bloc de ciment
où elle ne pouvait pas bouger. Les surs emprisonnées
étaient torturées physiquement et psychologi- quement,
et un grand nombre de prisonniers étaient exécutés.
En juillet 1944, sur Julia fut transférée
au camp de concentration de Stutthof, près de Gdansk.
Le voyage dura plusieurs jours, dans un wagon à bestiaux,
avec des malades et des mourants. Les surs furent violées
à larrivée dans le camp. Sur Julia
fut placée dans le secteur juif du camp avec le numéro
40992 tatoué sur son bras. La faim, la torture, la terreur,
le labeur épuisant et le sadisme des gardiens constituaient
la routine quotidienne. Les femmes les plus fragiles étaient
sélectionnées chaque jour pour mourir gazées.
Quoique la plupart des détenues de sa baraque fussent
juives, issues de toute lEurope, sur Julia organisait
avec elles une prière commune quotidienne. Les survivantes
ont évoqué son courage, sa prière, son espérance
et sa générosité. Elle partageait ses maigres
aliments avec les prisonnières. Ces dernières lui
demandaient dintervenir en cas de conflits entre elles.
Ewa Hoff qui survécut au camp a écrit de Julia
: « Elle était noble, désireuse daider,
bonne. Dans le camp, où toute pitié était
totalement oubliée, elle servait avec miséricorde
». Quand elle priait, sur Julia restait à
genoux et ne se levait pas à lentrée des
gardiens dans les baraques, ce qui les déconcertait. Ayant
appris un jour que le mari de lune des prisonnières,
qui se trouvait dans une autre section du camp, voulait se suicider,
sur Julia réussit à plusieurs reprises à
lui faire passer des lettres, pour le convaincre de ne pas perdre
espoir. Au bout du compte, il survécut au camp et à
la guerre. En novembre 1944, on clôtura un secteur du camp
pour les malades atteints de typhoïde, et sur Julia
se porta volontaire pour les rejoindre. Au milieu des corps putrides
et affamés, elle apporta espoir et charité. Elle
réussit à tirer dun amas de corps destinés
à la crémation une femme qui était encore
en vie. Cette femme survécut et a rendu hommage à
sur Julia. À la libération du camp, le 30
janvier 1945, il y avait dans le secteur juif 6922 femmes agonisantes.
Sur Julia était parmi elles, elle mourut le 20 février
1945. |
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